Et si ça recommence ? La question que se posent les personnes ayant reçu un traitement contre le cancer et leurs proches.

Par Gozde Ozakinci, Université de Stirling 

Traduit en Français par Deborah Loyal et Natalija Plasonja

Le cancer est largement associé à des statistiques effrayantes comme, par exemple, celle selon laquelle « une personne sur deux développera une forme de cancer au cours de sa vie ».  Mais il existe aussi des progrès réjouissants qui suggèrent que les taux de survie s’améliorent. Le dernier bilan de 2018 indique que, au niveau mondial, près de 44 millions de personnes ont survécu au diagnostic et au traitement d’un cancer. Il s’agit là d’une bonne nouvelle pour ceux qui ont été confrontés au cancer.

L’amélioration des taux de survie signifie également que de plus en plus de personnes vivent avec les conséquences du traitement d’un cancer. L’une de ces conséquences est la crainte d’une réapparition de la maladie. Dans la littérature, cette peur est définie comme « la crainte, l’inquiétude ou la préoccupation liée à la possibilité que le cancer réapparaisse ou progresse ». Elle est largement reconnue comme l’un des aspects les plus significatifs ayant un impact sur la qualité de vie des personnes qui vivent après un diagnostic de cancer.

Ces craintes sont-elles fréquentes ?

Répondre à cette question est difficile, car les études ont employé des outils variés pour mesurer la peur de voir le cancer réapparaître. Dans une analyse systématique de 130 études portant sur plusieurs types de cancer et employant différentes stratégies de mesure, en moyenne 49 % des personnes interrogées ont déclaré un niveau modéré ou élevé de peur de la récidive du cancer et 7 % ont déclaré un niveau élevé. Une méta-analyse plus récente a montré qu’un patient survivant sur cinq souffrait d’une peur importante de la récidive du cancer, ce qui souligne le besoin d’une prise en charge psychologique spécialisée. En outre, ces études montrent que les craintes ne disparaissent pas avec le temps. Le fait d’être une femme, d’être plus jeune et d’avoir un niveau d’éducation moins élevé a été associé à des craintes plus fortes de récidive du cancer.  L’un des facteurs importants associés à ces craintes est l’apparition de symptômes physiques qui peuvent être interprétés comme des signes de récidive du cancer.

Quelle est la relation entre ces peurs et le bien-être psychologique ?

Les survivants du cancer considèrent ces craintes comme leur principale préoccupation ou comme l’une des cinq plus importantes. Non seulement ces craintes constituent une préoccupation majeure pour eux, mais jusqu’à 79 % d’entre eux déclarent qu’il s’agit de l’un de leurs besoins les plus insatisfaits. Il a été observé que les craintes de récidive du cancer sont liées à une moindre qualité de vie, à une plus grande anxiété, à la dépression et à la détresse. Il semble également que les craintes de récidive du cancer soient liées à un recours accru aux soins de santé.  

De plus, bien que la majorité des recherches aient été menées auprès des survivants du cancer, une revue récente montre que la crainte d’une récidive du cancer est également un problème pour les aidants, 48 % d’entre eux faisant état de niveaux qui indiqueraient un besoin de soutien psychologique. Une autre revue a montré que les craintes des aidants peuvent être aussi importantes, voire plus importantes, que celles des survivants. De plus, les craintes des aidants sont associées à une moins bonne qualité de vie chez les aidants et les survivants.

Quelles sont les caractéristiques de la peur de la récidive du cancer de niveau clinique ?

Il est clair que les craintes de récidive du cancer sont un phénomène multidimensionnel.  Une étude sur le consensus des experts a suggéré les caractéristiques suivantes comme étant les principales caractéristiques des peurs « cliniques » de la récidive du cancer : 1) des niveaux élevés de préoccupation ; 2) des niveaux élevés d’inquiétude ; 3) la persistance ; et 4) l’hypervigilance à l’égard des symptômes corporels.

Comment mesurer ces craintes ?

Une première revue sur les mesures des craintes de la récidive du cancer a identifié 20 échelles et une autre revue peu de temps après a trouvé huit échelles supplémentaires. Des tentatives ont eu lieu pour établir un seuil clinique permettant d’identifier les personnes ayant besoin de soutien psychologique. Le « Fear of Cancer Recurrence Inventory » est un instrument de mesure de 42 items qui permet une évaluation approfondie de ces peurs. Il comporte plusieurs sous-échelles. La sous-échelle de gravité à 9 items est largement utilisée. Elle comporte un seuil permettant d’identifier les personnes qui ont besoin de soutien psychologique (≥22). Des échelles plus courtes telles que FCR4 et FCR7 sont également utilisées avec des percentiles suggérés pour identifier les personnes présentant des peurs modérées ou élevées. Pour faciliter le dépistage de ces peurs, une mesure à un item a également été proposée.

Quels sont les meilleures méthodes pour aider les patients à faire face à ces craintes ?

Une méta-analyse portant sur les interventions psychologiques concernant les craintes de récidive du cancer a montré qu’elles peuvent avoir un effet modeste mais solide à la fin de l’intervention, et que celui-ci se maintient en grande partie lors du suivi. Les thérapies cognitivo-comportementales axées sur les processus cognitifs tels que la rumination, plutôt que sur le contenu, et visant à modifier la manière dont l’individu se rapporte à ses expériences intérieures ont eu des effets plus importants.

Recommandations pratiques : 

  1. Faciliter la discussion concernant les craintes : Certains patients peuvent ne pas vouloir parler à leur professionnel de santé de leurs craintes de voir le cancer réapparaître, de peur de paraître ingrats. Pourtant, entamer une telle conversation peut s’avérer très utile pour le patient et peut lui permettre de bénéficier d’un soutien supplémentaire. Reconnaitre ces craintes peut s’avérer extrêmement utile pour les survivants du cancer.
  2. Fournir des informations sur les signes du cancer : Parler de ce qui pourrait être des signes de cancer justifiant une consultation médicale peut permettre de dissiper les mythes sur les symptômes du cancer. 
  3. Ne pas oublier les aidants : S’il est nécessaire de se concentrer sur le patient survivant du cancer, les professionnels de la santé doivent garder à l’esprit que les aidants éprouvent également une grande peur de la récidive du cancer pour leur proche et peuvent également avoir besoin de soutien.
  4. Le dépistage ne suffit pas : Bien que le dépistage de ces craintes soit utile, il est nécessaire de s’assurer qu’un soutien psychologique approprié peut être proposé aux patients et aux aidants.
  5. Surveiller les signes d’anxiété : Les signes précoces d’anxiété et les changements dans les niveaux d’anxiété sont associés à des augmentations ultérieures des craintes de récidive du cancer au cours de la première année de traitement. Il convient de surveiller fréquemment les signes d’anxiété et d’apporter un soutien afin d’éviter que ces craintes ne s’aggravent.

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